Cette petite nouvelle a été
écrite par mes soins
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Le Bois , la Terre et l'Eau
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Cela faisait quelques lieues que Tass, Flint et Tanis cheminaient à travers la forêt. La progression à travers le sous-bois était difficile ; de nombreux buissons et arbustes ralentissaient la marche. De plus, le sol était boueux; il avait plu trois jours durant.
Tanis était inquiet. Il savait la région dangereuse et peuplée de nombreux gobelins. Il avait suggéré la plus grande prudence à ses deux amis mais, déjà, il les avait rappelés à lordre plusieurs fois. « Tass a linsouciance dun enfant » pensait Tanis. Comme tous les kenders, il néprouvait pas la peur.
Flint Forgefeu maugréait dans sa barbe. Il regrettait lauberge chaude où le groupe avait dormi. Caramon et Sturm, eux , étaient restés au village.
Ce matin-là, Caramon -qui devait payer les chambres - avait commencé, furieux, à vider les sacoches du kender offusqué : sans succès sa bourse avait bel et bien disparue.
La veille au soir, Sturm et Caramon avaient bu de la bière ensemble. Une fille de petite vertu était venue tenir compagnie au guerrier. Sturm ne sétait aperçu de rien tandis que Caramon était à demi ivre ; et il jurait sur son honneur de chevalier qu'il lui fallait retrouver la fille, seule coupable possible à ses yeux. Ainsi, après que chacun ait vidé ses fonds de poches pour payer laubergiste ( le Kender apporta une contribution largement honorable tout en étant douteuse à la fois !), seuls Tanis demi-elfe, Tass Hasseloff et Flint le nain partaient. Il sagissait de ne pas rater le rendez-vous en fin de journée avec Kitiria. Les autres resteraient une demi-journée de plus pour tenter de retrouver la villageoise pas farouche qui avait sans doute fait "main basse " sur la bourse de Caramon .
<-- Tass , le kender-« Et dire que je patauge dans la boue, obligé de suivre cet andouille de kender. » Flint suivait Tass qui, petit et agile, ouvrait la marche . Au besoin, Tass partait en éclaireur quelques mètres en avant afin de déterminer le passage le moins pénible, que Flint élargissait ça et là avec sa hache. Tanis, derrière Flint, larc à la main, se tenait prêt à décocher ses flèches à la vue dun ennemi. Alors que Tass ralentissait à peine son allure, Flint peinait à progresser aux milieux des broussailles .
-« Par ici, la voie est libre ! » dit Tass quelques mètres en avant, dissimulé par les branchages .
-« Par ici, par ici. La voie est libre : tu parles ! Cest un drôle de guide que nous avons. Sûr quil ny a pas pire chemin ! » dit Flint presque à quatre pattes pour passer entre deux gros buissons.
-« Calme toi Flint. Tu sais bien que lassigner comme guide était sans doute la meilleure solution pour que lon reste groupé. Tass est tellement distrait et curieux que lui donner un rôle lui occupe lesprit dautant plus sil se sent utile. Et puis, il vaut mieux lavoir devant soi que derrière. On peut ainsi, le surveiller plus facilement.
-« Ouais , distrait et curieux , cest bien ce qui minquiète . »
Flint et Tanis sortaient dun véritable mur de végétation tandis quils découvraient une clairière illuminée par un franc soleil. Tass se tenait debout au milieu des fougères recouvrant la clairière en forme de cuvette. Le pourtour de la clairière formait comme une butte sur laquelle Tanis et Flint se tenaient. Ces derniers, trop contents de pouvoir parcourir une trentaine de mètres au soleil, descendaient précautionneusement la pente lisse quand Tass - inhabituellement immobile - soudain, se baissa et, désignant du doigt lautre côté de la clairière, dit : « -là ! ».
Tanis et Flint, qui étaient à découvert, dévalèrent la butte les pieds boueux, et plongèrent au milieu des fougères, craignant un danger .
Flint avait trébuché dans une mare de boue vaseuse. Flint maudissait cette forêt, mais dans son malheur il se disait que, couvert de boue comme il létait, sils avaient affaire à des gobelins armés darcs, il venait dacquérir une tenue de camouflage bien utile.
Tanis lui aussi était à plat ventre. Vêtu de cuir, il ne possédait pas de cotte de mailles qui aurait fait de lui, au soleil, une cible facile à distinguer. Son arc dans une main, tenu à lhorizontale, une flèche dans lautre, prêt à tirer, il cherchait à voir ce que Tass regardait de manière si intense. Après trente secondes dobservation, Tanis, perplexe, demanda :
« -Quas-tu vu Tass ? »
« -Chut, ne faites pas de bruit. » dit Tass. « -Vous allez le faire fuir. »
« -Quoi ? ? »dit Flint, se relevant et sapprochant de Tass.
« -Si cest un éclaireur gobelin , il vaut mieux le liquider avant quil ne joue de la trompe » dit Tanis. Tass qui fixait toujours le même point dans la forêt dense, répondit sans se retourner :
« -Mais non, pas du tout. Mon oncle Chausse-Trappe men avait décrit. Jusquà présent, je nen avais jamais vu. Maintenant, jen suis sûr : cest un rouge-gorge ! »
« -Bougre dandouille ! ! Tanis, tu as déjà vu un rouge-gorge kender ? ! Non ? Parce que si tu ne me retiens pas, je crois que je vais lui trancher la tête ! »
Tass se retourna et, découvrant Flint recouvert de boue, explosa de rire . « - Ha , Ha , Ha , Ha , Flint ! »
« -Jvais le tuer ! Yen a marre ! » Flint était furieux. Brandissant sa hache à deux mains, il chargea le kender qui pris la fuite en riant, traversa la clairière, monta sur la butte et se cacha dans les buissons.
Tanis criait : « -Arrête Flint ! Calme-toi ! Tass, arrête de rire ! » Et ce ne fut que parce que Flint glissa sur la butte quil réussit à lattraper par le bras.
Tass riait sans retenue et dit à Flint : « - Tu apprends la technique de chasse du célèbre mangeur dhommes : le ver de terre ? ! ? Ha , Ha , Ha , Ha ! »
Tanis narrivait pas à ceinturer le nain en colère qui détruisait les buissons avec sa hache. Tass se cachait bien, quasi invisible dans les feuillages, mais son rire trahissait sa présence si bien quil pris la fuite en courant.
Tanis avait rarement vu Flint aussi furieux vis à vis de Tass que cela amusait encore plus. Il narriverait pas seul à raisonner ces deux phénomènes. Il en vint presque à souhaiter une rencontre avec les gobelins. Dailleurs, vu le bruit quils faisaient et les traces quils laissaient derrière eux, si des gobelins traînaient dans les parages, ils auraient tôt fait den voir.« - Lâche-moi, Tanis ! Laisse -moi le rattraper ! Je ne vais pas le tuer juste lécrabouiller un peu, quil comprenne ce fanfaron à queue de cheval. »
Tanis connaissait bien Flint, il savait que sa véritable colère était finie - aussi importante que fugitive - même si, sans doute, il allait râler toute laprès-midi.
« -Daccord Flint, rattrapons Tass avant quil ne croise des gobelins ; secoue-le un peu si tu veux, mais ne lui fait pas de mal. »Tanis le lâcha et ils se déplacèrent plus vite ; dautant plus que la forêt devint moins dense.
Tass, de très bonne humeur, les distançait toujours. Il ne riait plus, mais samusait bien.
« -Par ici ! Plus vite Flint, le lourdaud qui tombe dans la boue ! Hé Ho, statue dargile ! ! »
Tanis se mordit les lèvres pour ne pas rire.
. . . . . . . . . . . . . .
Après deux cents mètres de courses, Tass atteignit lorée de la forêt. Un peu plus loin, dans la prairie, une rivière coulait paisiblement. Tass, après avoir retiré ses sacoches, se mit à leau à linstant où il était rejoint par ses poursuivants. Tass riait ; il savait bien que Flint ne savait pas nager et quil avait peur de leau.
« -Alors Flint, une petite baignade ? »
« -Triple Andouille, tu étais sensé être notre éclaireur. Au lieu de nous signaler un gobelin ou un autre danger, Monsieur Hasseloff sextasie devant les oiseaux et les fleurs des champs ! »
« -Ha, non ! Tanis a dit que je serais le guide. Cest pas pareil . »
« -On ta suivi et cest de ta faute si je suis dans cet état. » Flint planta sa hache dans le sol près de la rive et commença à se débarbouiller.
« - Allez, quoi, un petit masque de boue, cest bon pour la peau et les rides. Déride-toi un peu, rigole et viens faire trempette ! Ha, Ha ! »
« - Insolent, Canaille »
« -Tass ! » dit Tanis, coupant la parole à Flint qui recommençait à bouillonner. « -Je trouve que tu exagères. Jaimerais que tu arrêtes de provoquer Flint. Je tai confié une mission sérieuse, le poste de guide et donc déclaireur en même temps. Jai demandé de la discrétion, et cest une chance que lon ai pas tous les monstres de la forêt sur le dos. »
« -Sûr, ce serait drôlement lourd à porter ! Ha,Ha,Ha ! »
« -Tass, tu es incorrigible. »
« -Vous, vous nêtes pas drôle Flint, je suis désolé que tu aies eu la maladresse de te vautrer dans cette boue ; dautant plus que cette boue vaseuse, elle a comme une odeur de troll. »Flint ne répondit rien. Tass était un kender et un kender reste un kender. Il faudrait bien quil shabitue aux facéties de cet andouille même si cela lui semblait impossible. Aussi, Flint pris la résolution de ne plus lui parler, sauf en cas de nécessité extrême. En bref, Flint boudait.
Il était vrai que cette vase sentait le troll. Il se nettoya comme il pu, ne rentrant dans leau quà hauteur des genoux. En se baissant, il se risqua à tremper sa barbe dans le léger courant. Le kender lui donna un savon quil accepta à contre cur, mais pour nettoyer sa barbe cela était bien utile.
« -Quand je pense que je me suis lavé il y a seulement deux semaines. » Le nain nétait pas coutumier des ablutions, mais après sêtre lavé- même partiellement - il était toujours de bonne humeur.
Ainsi, après une heure de repos durant laquelle les amis mangèrent, Flint se mit à siffloter inconsciemment une chanson bien connue. Tass reprit le refrain. Tanis rit. Bientôt les trois compères chantaient à tue-tête :« -Qui a peur du grand-méchant Troll ?
Cest pas nous Cest pas nous
Il était trois compagnons
Avec Arc, Hache et Bâton
..
Promenons-nous dans les bois
Pendant que lDragon ny est pas »